1997 : le meurtre de Gianni VERSACE

Depuis sa création, la maison Versace affirme un style sans précédent où le maximalisme et le sensuel enrobe les collections. Outrance, démesure, pouvoir, la maison aujourd’hui tenue par le groupe Michael Kors est aussi passé par des événements douloureux. Retour dans le passé pour revivre cette journée du 15 Juillet 1997, journée où Gianni Versace – fondateur de la marque – s’est froidement fait assassiné devant sa propre demeure : la Villa Versace (Miami Beach).

C’est une histoire qui ne s’entend pas tous les jours. Seul la maison Gucci, aujourd’hui locomotive du groupe Kering, a connu des événements aussi dramatiques. Mais l’histoire de Gianni Versace est passablement différente. Ce créateur de génie, véritable star des défilés dans les années 90, n’a probablement jamais imaginé un tel destin. Une fin brusque, bouleversante, provoquée par un tueur en série fasciné par la gloire et l’argent.

Qui était Gianni Versace ?

Aujourd’hui, la direction artistique de la maison Versace est tenue d’une main de fer par la soeur de Gianni Versace, Donatella. Cette femme puissante à la chevelure blond platine incarne depuis plus de vingt ans le visage de la maison de couture italienne. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Jusqu’en 1997, c’était bien Gianni, le frère ainé de Donatella, qui faisait et défaisait la mode au gré de ses envies. Madonna, Naomi Campbell, Elton John et même la princesse de Galle, Lady Diana, toutes les célébrités de l’époque admiraient le créateur pour son audace, son style et sa fibre artistique unique.

Santo Versace, Donatella Versace et Gianni Versace

Créateur de génie, Gianni voit le monde le 2 Décembre 1946 à Reggio de Calabre, en Italie. C’est dans cette ville du sud qu’il apprend son métier de designer. Un métier qu’il découvrira dans l’atelier de mode détenu par sa mère et qu’il ne quittera plus jamais. Il entreprendra plusieurs stages en France et au Royaume-Uni avant de travailler chez Florentine Flowers, puis chez Genny en tant que styliste.

C’est en mars 1978 qu’il créé la maison Gianni Versace. Avec l’aide de sa soeur, Donatella Versace et de son frère, Santo Versace, il mettra au point une marque unique et maximaliste en partant de zero. Les vêtements sont fabriqués dans sa propre usine de Novara, usine nommée Alias, et son premier défilé rencontrera un franc succès, propulsant Gianni dans un monde de la mode en pleine effervescence. C’est ainsi que les prémices de l’une des plus grandes maisons de couture italienne voit le jour.

Donatella et Gianni Versace

Face au succès de ses collections, une multitude d’autres produits viennent enrichir la marque. Des parfums, des sacs, des montres, des bijoux, la démesure et le luxe voient rapidement le jour et inscrivent Versace dans une époque en plein boom culturel. En parallèle, Gianni travaille avec les plus grandes stars du monde pour confectionner des costumes de scène. Son compagnon, Antonio D’amico, avec qui il vit à Miami, travaille également chez Versace.

Les années 80 feront de Gianni Versace un homme riche, les années 90 feront de lui un homme célèbre.

Versace aime la démesure, l’outrance, le scandale. Sa mode s’inscrit dans des « Nineties » tonitruantes par ses fêtes grandioses mais qui s’endorment peu à peu dans la mode. Saint Laurent entame sa dernière décennie au sein de sa maison de couture éponyme et Karl Lagerfeld ne se remet toujours pas de la mort de son compagnon, Jacques de Bascher. Chanel résiste, Fendi continue de monter, mais l’envie est moins présente et le Kaiser n’est pas encore au sommet. Ainsi, c’est Gianni qui prend le pouvoir. Un pouvoir puissant dans un monde qui se libère plus que jamais. Il est le contraire de son rival italien au style plus classique, Armani, et assume son goût prononcé pour la provocation et la démesure.

La Villa Versace

En 1992, il fait l’acquisition d’une gigantesque villa sur Miami Beach : La Casa Casuarina. Une maison aux allures de manoir antique d’une valeur de 2,95 millions d’euros. À coup de millions de dollard, il rénove, décore et fait de cet endroit mythique ce qui deviendra la célèbre Villa Versace. De l’or en excès, une piscine extérieure, des oeuvres d’art et des logos de la marque sculptés un peu partout. La villa possède désormais un nouveau nom – honorifique – et fait figure de la démesure chérie par Versace. Une véritable vitrine de luxe en plein Miami.

En 1994, il met au point la robe That Dress portée par Elizabeth Hurley. Une robe mythique qui deviendra un symbole des années 90 et confirmera le statut du créateur. Gianni n’en finit plus de faire parler de lui et Versace ne cesse de gravir les échelons face à des mastodontes soporifiques.

Désormais au sommet de sa gloire, rien, pas même un cancer de l’oreille qu’il soigne en 1996, ne peut plus arrêter le styliste. Rien, mis à part un homme. Un.

Andrew Cunanan

Cet homme, c’est Andrew Cunanan. Né en 1969 à National City (Californie), Andrew est le cadet d’une famille de quatre enfants. Son père, Modesto, est originaire des philippines et sa mère, Mary Anne Schillaci, possède des origines italiennes.

Andrew Cunanan

Depuis ses quinze ans, Andrew Cunanan fréquente les endroits gay de San Francisco. Il cède rapidement à la prostitution pour se payer des vêtements de luxe et du bon temps, démontrant très rapidement un goût certain pour l’argent et la gloire. Il n’hésite pas à s’inventer des vies, des relations, un passé, pour assouvir son besoin d’admiration. Après avoir rapidement vécu à Las Vegas, Andrew Cunanan s’envole vers Minneapolis où il commet son premier meurtre : Jeffrey Trail, un ancien ami. Il a 26 ans et son périple meurtrier commence à peine. Son ex petit-ami, David, connaîtra le même sort peu de temps après. Le corps du jeune homme sera retrouvé dans une rivière du Minnesota. Ces événements participeront certainement à enfoncer Andrew Cunanan dans la paranoïa mais, surtout, il s’agira du point de départ de son périple meurtrier. Un périple concentré en l’espace de quelques mois qui démontrera la psychologie altérée et le manque d’empathie latent du tueur. Selon les média, Andrew Cunanan aurait également eu peur d’être atteint du Sida ce qui aurait accentué sa paranoïa et son état psychologique défaillant. Mais l’autopsie du corps révélera que l’homme était bien séronégatif.

Le 4 mai 1997, il se rend à Chicago dans le but de voir Lee Miglin (72 ans), un riche entrepreneur immobilier qu’il assassine dans le garage de sa maison de Chicago. Le 9 mai, soit moins de 5 jours plus tard, il assassine William Reese dans un cimetière du New Jersey. C’est à cet endroit qu’on retrouvera la voiture volée de Lee Miglin, permettant d’établir un lien entre les deux meurtres. Andrew Cunanan fait rapidement son entrée dans la liste des 10 fugitifs les plus recherchées par le FBI, ce qui ne l’empêchera pas de commettre son ultime meurtre. Le meurtre d’un homme qu’il admire par dessus tout, qu’il envie voir qu’il idolâtre.

Andrew Cunanan – Affiche officielle du FBI

Andrew Cunanan se rend à Miami Beach avec une idée bien arrêtée en tête et un lieu non moins précis : la Villa Versace.

Le 15 Juillet 1997

Ce matin-là, Gianni Versace se lève dans sa somptueuse demeure. Son compagnon, Antonio D’Amico, reste dans la maison pour attendre un ami qui doit venir jouer au tennis. Gianni sort prendre un petit déjeuné dehors, achète un journal et le dernier numéro du magazine de mode Vogue, et rentre chez lui. C’est en s’apprêtant à ouvrir le portail de magnifique de sa villa que deux coups de feu retentissent. Deux balles à bout portant, dirigées sur la tête et tirées par un homme de 27 ans. Un homme qui s’enfuit aussitôt.

Gianni Versace s’effondre sur les marches de sa villa. Il succombera à ses blessures.

Matin du 15 Juillet 1997 – Reconstitution de la matinée et du crime dans « American Crime Story : The assassination of Gianni Versace ».

Quelques jours plus tard, Andrew Cunanan, activement recherché, est encerclé par la police. Il se suicidera avec l’arme du crime qui lui a servit à tuer Gianni Versace, privant la famille Versace d’un procès. Ce fut la fin d’un tueur emblématique des années 90 qui, fasciné par la célébrité, l’argent et la gloire, a finit par sombrer dans les recoins les plus sombres de son propre psychisme.

Versace : la rémission après le drame

Donatella Versace, la soeur d défunt créateur, accédera aussitôt à la tête de la maison de couture. Effondrée par la mort d’un frère qu’elle aimait par dessus tout, elle s’efforcera de garder Versace à flot et de faire entrer la multinationale italienne dans le 21ème siècle.

En 2015, Donatella s’est exprimée sur la mort de son frère pour le New York Times. Une video touchante où apparait une Donatella à la fois fragile, sereine et absente. Une Donatella qui, 20 ans plus tard, souffre toujours de l’absence d’un frère qu’elle a tant aimé.

Personne ne me croit, mais je ne me sens pas en sécurité. Vous savez, je me pose toujours des questions sur qui je suis. J’ai toujours caché ma vulnérabilité. Je rentrais à la maison pour pleurer mais je fermais la porte car je n’avais pas perdu le roi de la mode. À ce moment précis, j’avais perdu mon frère.

Donatella Versace pour le New York Times
Donatella Versace avec les 5 Top Models phares des années 90

Aujourd’hui, la famille Versace a vendu la maison au groupe Michael Kors pour 1,83 milliard de d’euros. Une décision motivée par le fait de développer la marque grâce aux fonds énormes du groupe américain. Donatella Versace est toujours à la tête de la direction artistique. Devenue une icône de la mode inscrite dans le 21ème siècle, Donatella participe à garder l’héritage de Gianni Versace en vie.

Une histoire de famille marqué par un drame mais une histoire de famille où l’amour fraternel aura survécu aux pires intentions de l’humanité.

« Affichez un sourire fabuleux, de bons bijoux et sachez que vous avez le contrôle total. » Donatella Versace